Escalade :  course d'arête face au Mont-Blanc

Escalade : course d'arête face au Mont-Blanc

Encordons nous dans la Yaute pour une envolée verticale sur le toit des Aravis
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letapir1997
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Cet article a initialement été publié le 12 juin 2020 dans le mag communautaire Skipass.

S'il vous arrive de traîner vos chaussons ou skis du côté des Aravis, votre regard ne manquera pas d'être attiré par le point culminant de la chaîne. Minérale et imposante, la Pointe Percée propose une belle envolée à 2750m d'altitude, avec vue imprenable sur la bosse de neige du coin, connu des initiés sous le Mont Blanc. Si le moyen le plus rapide d'atteindre le sommet de cette tour de calcaire gris appartient au domaine de la randonnée, moyennant un pied sûr et une certaine aisance en terrain accidenté, c'est sur le versant Nord-Est que nous vous proposons de nous encorder. 

Noeud de huit, partner check, c'est parti !

Une vue d'ensemble sur la course

L'Arête du Doigt est un itinéraire rendu sympathique et accessible par sa difficulté modérée, combinée à un équipement sur spits rassurants. Quelques friends pourront éventuellement s'inviter au baudrier si l'on veut se donner plus de marge et protéger la partie finale de l'arête, mais vous croiserez, à moins de vous perdre dans les méandres calcaires du lieu, de nombreux points jalonnant l'itinéraire. 

La cotation d'escalade libre ne dépasse pas le 5c+, et toute la première partie (qui peut se découper en 8 longueurs si l'on utilise les relais en place) ne dépasse pas le 4b, royal en termes de mise en jambe. C'est au pied du bastion final que la paroi se redresse : on y enchaîne deux longueurs de 5, qui mènent au pied d'un dernier ressaut qui offre 3 variantes pour se franchir, nous y reviendrons plus tard.

L'approche peut se faire directement depuis le parking du col des Annes (1150 de dénivelé, dont 250m d'arête), mais vous pouvez segmenter la course en passant une nuit au refuge de Gramusset, ou en dormant à proximité (600m de dénivelé, a priori toujours 250m d'arête a priori). L'option bivouac permet de faire partie des premières cordées à s'engager dans l'itinéraire, mais les emplacements sont rares dans ce dédale de Lapiaz. Enfin, vous êtes à l'ombre le matin sur le versant Gramusset : fraîcheur garantie pour la montée !


On commence les mains dans les poches

L'approche depuis le col des Annes au petit matin permet d'apprécier l'étagement altitudinal au fil de l'ascension. On commence par serpenter à travers les alpages, pour ensuite rencontrer les premiers lapiaz vers la mi-parcours, avant de s'engager définitivement dans le dédale rocheux sous le regard nonchalant des locaux à cornes. Le refuge de Gramusset marque la porte d'entrée vers ce labyrinthe de calcaire : on ne peut vous conseiller d'y faire une pause au retour, tant pour contenter votre soif de houblon que pour vous apprécier la vue sur le sommet foulé plus tôt dans la journée. La pinte à la montée risquerait pour sa part d'endommager votre timing, mais loin de nous l'idée de vouloir vous commander.


Une fois passé le refuge, le sentier s'efface, il faut alors suivre les points de couleur et la patine sur le rocher qui marquent le cheminement à suivre. La vigilance est de mise, il vaut mieux être bien plutôt réveillé. Si les véritables difficultés technique sont encore à venir, un moment inattention ou un coup d’œil trop prolongé vers le bleu des yeux de votre compagnon de cordée risquerait de vous rappeler brutalement que le relief des lapiaz peut-être traître. 

On suit le sentier de la voie normale jusqu'au pied du grand cirque central, puis l'on poursuit son chemin vers le Nord (toujours à l'ombre si vous avez pris le parti d'un départ matinal). Il fait frais là haut même en été, et la morsure du froid devrait vous dissuader de multiplier les pauses avant d'avoir atteint le pied de la voie. Fort heureusement, celui-ci a eu l'heureuse idée de se trouver au niveau d'un petit col qui vous permet de retrouver le versant Est, et donc la tiédeur des premiers rayons du matin (sous réserve de bénéficier d'un temps clair, conditions non contractuelles).


Et enfin on grimpe

Vous avez de la chance, l'attaque se situe plutôt versant Est, et c'est donc au soleil que l'on s'équipera et que l'on attaquera la grimpette. Dès les premiers mètres, on apprécie la qualité du calcaire local, clair et compact. D'autant plus que l'escalade est facile avec un départ en 3-4 : pas la peine donc de sortir les chaussons tout de suite si vous êtes à l'aise et bien chaussés.


La suite de la progression permet d'atteindre le sommet du Doigt : mignonne petite antécime située sur l'arête Nord-Est qui donne son nom à l'itinéraire. De son sommet, on lit bien la suite de l'itinéraire : le passage effilé du rasoir, suivi de la longueur en 5c+, découpée dans un rocher plus raide aux teintes orangées. Ce n'est pas le moment de se dire qu'il a l'air bien raide, il reste encore du chemin !

Un petit rappel de 15m pour redescendre du Doigt, et on se réencorde vite fait bien fait pour poursuivre la belle ballade. 


On franchit ensuite le Rasoir, passage qui, s'il ne présente pas de réelle difficulté technique (3c, en théorie pas besoin d'être Adam Ondra pour passer), propose un gaz qui laissera peu de monde indifférent malgré tout. Mais pas le temps de se laisser hypnotiser par le vide, il faut enchaîner sur le crux technique de la course : la seule véritable longueur grimpante de cette voie. C'est d'ailleurs un des charmes de cette course : on passe de l'arête vertigineuse à la grimpe verticale plus technique. Bien que côtée 5c+, la difficulté et la raideur tranche avec le reste de la voie, et il faut se réarmer de concentration pour franchir cette belle longueur verticale (mais très bien équipée).

Le crux derrière soi, il reste un dernier ressaut à franchir selon plusieurs possibilités. Si l'on veut varier les plaisirs après l'arête et la grimpe verticale, on peut opter pour la longueur d'artif (6c en libre, bien patiné). Les spits sont bien rapprochés, et avec un peu de méthode, l'A0 passe tranquillement. L'arête se couche ici, et on rejoint le sommet en louvoyant entre des blocs délités (plus rien à voir ici avec le rocher qui fait la réputation du massif). On y rejoint les randonneurs, mais également quelques grimpeurs qui auront parcourus les jolies voies de la face Nord-Ouest. La concentration de la course peut retomber l'espace d'un instant, et on tombe les oeillères pour apprécier le paysage : Mont Blanc d'un côté, chaîne des Aravis au Sud, et Bargy à l'Ouest. Du haut de ce promontoire de 2750m, le panorama à 360° est spectaculaire par temps clair.
Enfin après un ce répit bien gagné, et un éventuel casse croute, il est temps de se remettre en route : prudence car la voie normale pardonnerait peu un quelconque faux pas, et il faudra rester concentré jusqu'au refuge 

Cette course est finalement une très bonne école pour exercer son art de la manip : on passe de la corde tendue, à la mise en place de rappels, pour enchaîner sur le tirage de longueur, et éventuellement conclure par un peu d'artif. Seule la pose de protections amovibles type friends ou cablés manque à l'appel, mais la difficulté de parcours serait alors réhaussée. Le temps de parcours dépendra principalement de votre efficacité à maniper (mise en place des rappels, passage d'un mode de progression à un autre), mais également de l'affluence que vous trouverez le jour J dans la voie !

Si on ajout à cela la qualité du rocher et la beauté du cadre : véritable balcon sur le Mont-Blanc, on ne peut que vous conseiller d'y faire un tour ! Pour un topo détaillé, ça se passe par ici.

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letapir1997
Texte letapir1997
La justice a deux vitesses, la Lamborghini en a six

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